Non, la Megadrive / Genesis n'a pas un son aussi médiocre que l'on ne le pense !

Il y a fort longtemps, durant un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre, la guerre des 16 bits prenait place dans les cours de récré. Sous l’œil amusé des informaticiens aguerris ne jurant que par l'Atari ST ainsi que l'Amiga et des bourgeois patentés rallié sous l'étendard inaccessible de la noblesse made in SNK, une scission s'opérait entre deux clans bien distincts. D'un coté, la confrérie Nintendo faisait preuve d'une loyauté sans faille envers la firme de Kyoto, fort d'un succès planétaire avec sa NES et de ses jeux inventifs au gameplay éprouvé. La venue de la Super Nintendo en 1992 dans nos contrées, provoqua de nouveau l’allégeance de cette population, se prosternant tout naturellement devant les capacités annoncées de la dernière de la lignée. Envers et contre tous, un groupe de rebelle optait alors pour une nouvelle voie, celle de la contestation. Prenant désormais partie pour la révolutionnaire Megadrive / Génésis, ces nouveaux partisans qui affluaient peu à peu en nombre, percevaient en cette console providentielle le temps du changement et de la maturité.

Arrivée quelques années avant sa rival, la machine de Sega brillait de par ses nouvelles franchises résolument plus mature et de son hardware déjà largement maîtrisé par une majorité de développeurs existants sur le secteur ludique. Il n'était point rare de voir s'affronter ces deux camps à travers des joutes verbales interminables, comportant généralement son lot de caractéristiques techniques approximatives. L'un des arguments fallacieux, régulièrement projeté à la face de ces terribles réformistes du saint-gaming, consistait à discréditer les capacités de la machine de Sega à produire des sons de qualité. Bien que cet avis largement décrié par les défenseurs de l'autre bord soit purement subjectif, il n'en est pas pour autant une vérité.

Un timbre de voix d'une complexité rare !

La Megadrive / Génésis est un concentré de technologie pour une machine sorti en 1988. Sous sa robe à l'aspect austère, celle ci intègre le mythique Motorolla 68000, processeur qui a déjà fait ses preuves en terme de puissance et de modularité, dès le milieu des années 80. Cependant, dans cet article nous allons plutôt nous concentrer sur la partie sonore de la machine. En plus du Z80 (processeur 8bits) qui a pour le rôle d'assurer une certaine rétrocompatibilité avec la gamme de jeu Master System, nous retrouvons à ses cotés une puce Yamaha bien connue des musiciens officiant durant cette période dans le milieu du jeu-vidéo.

Evolution du YM2413, présente dans des machines tels que le MSX, le YM2612 est un générateur de son proposant des caractéristiques assez avancés. Permettant de générer six canaux FM simultanés, ce chipset octroyait la possibilité de restituer des samples pré-programmés, provenant de sources variés, sur un canal. Des synthétiseurs FM étaient alors plus généralement sollicités, dont les très populaires Yamaha DX7 et Roland D-50, tous deux utilisés par les professionnels de l'industrie musical. En outre, la Mégadrive pouvait s'appuyer sur une puce PSG 4 voies, hérité de son illustre ancêtre. Un accès spécifique au Z80 permettait alors d'interagir entre ces deux modules et de les contrôler tel un chef d'orchestre ! Ce mixage, en provenance de plusieurs sources, offre des possibilités multiples pour peu que l'on utilise à bon escient cette combinaison architectural.

Et c'est bien la que réside toute la difficulté de produire une bande son digne de ce nom sur cette console. Car si la Megadrive / Génésis a souffert d'une réputation de machine aux sons souffreteux et plats, allègrement pointé du doigt par ses détracteurs, ce n'est ni plus ni moins à cause d'une mauvaise gestion de son potentiel par des musiciens / programmeurs paresseux. En effet et plus exactement du coté de l'occident, les compositeurs de jeux s'étaient pour la plupart habitué à l'utilisation aisée de DSP ou de chipset sonore custom, présent dans les machines d'origine américaine ou européenne. Il faut donc se tourner du coté des productions japonaises afin de trouver des musiques capable d'extirper l'essence même de cette brillante combinaison. Il faut bien avouer que les modulations de type FM était quelque peu la norme tant que ce type de matériel musical était répandu sur ces contrées.

Après la théorie vient la pratique !

Quand on pense à ce que la console de Sega a pu fournir de mieux en terme de musicalité, on ne peux s’empêcher de se remémorer le travail exceptionnel de Yuzo Koshiro sur la saga des Bare Knuckle / Streets Of Rage. Non content d’être des véritables monuments du Beat'em all, la série a surtout bénéficié d'une bande son incroyable aux tons résolument 90. Le musicien s'est principalement servi de la possibilité de produire et d'injecter une séquence de samples, au préalablement composé sur un synthé Roland, dans le but de créer une base rythmique dynamique d'une profondeur jusque la jamais entendu dans une oeuvre de ce genre !

Hitoshi Sakimoto s'est aussi illustré par ses talents de bidouilleurs, notamment par le tour de force exercé lors du portage de Gauntlet sur la Mégadrive. Éternel insatisfait et jusqu’au-boutiste à l’extrême, l'artiste s'est efforcé de concevoir son propre pilote sonore pour les besoins de ce titre. Le résultat est époustouflant, faisant littéralement cracher les tripes de la console pour le plus grand bonheur des mélomanes.

Pour finir, voici à mon humble avis LA bande son ultime jamais créé pour la dame à la robe noir. Titre indiscutablement mémorable, Thunder Force IV émerveille le joueur à la fois par sa mise en scène nerveuse mais aussi de par sa musique utilisant à fond les capacités de la machine. Pour la petite histoire, l'équipe son dirigée par Naosuke Arai, était passionnée de heavy metal. C'est donc dans une optique de reproduire ce son tout particulier, que le groupe se concentra sur une méthode capable de recréer un son de guitare électrique, au travers du synthétiseur FM de la Mégadrive. Ce confrontant inévitablement à des difficultés lié aux limitations techniques, la team a finalement décidé d'utiliser les effets sonores de distorsion du système pour obtenir des résultats positifs. Et que dire si ce n'est que TechnoSoft signa la l'une des plus prodigieuses bande son du jeu-vidéo !

Non, clairement la Megadrive / Genesis n'est pas une console dénuée de tout intérêt en ce qui concerne sa partie sonore. Bien au contraire, celle ci possède du coffre pour peu que l'on l'aide à déployer l'ensemble de ses cordes vocales ! Bien qu'il s'agit la d'une technologie désuète, provenant d'un autre temps, il est toujours aussi remarquable de pouvoir écouter ce que certains titres ont pu de nous offrir de mieux dans ce domaine. Puisque avant d’être des musiciens, ceux qui étaient en charge de créer tous ces sons étaient avant tout des techniciens chevronnés. Une pratique en voie de disparition que l'on pourrait qualifier d’artisanat actuellement, avec l'avènement des consoles modernes aux capacités bien supérieure !