Berlin, partie 1 : Découverte du Street art

in #fr6 years ago (edited)

Un peu de musique par The Baseballs, un groupe allemand !

Dans ma vie, j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’aller en Allemagne. La première fois, à 13 ans, je me suis rendu à Hankensbüttel, petit village paumé au milieu du milieu de nulle part. Pourquoi ce village ? Un simple voyage scolaire dans la ville jumelle de mon village. Rien d’incroyable, mais c’était une des premières fois que je sortais de France, donc c’était cool.
Deux ans plus tard, fort de mes 15 années passées, je me rends à Köln (Cologne en allemand), encore une fois dans le cadre d’un voyage scolaire. Je reste là-bas quelques jours chez mon correspondant, avant de monter vers le nord avec ma classe pour passer le reste du voyage dans une auberge de jeunesse. Bon, Cologne, c’est quand même autre chose que Paumé-sûr-loin. On commence doucement à être en âge de picoler, on est un peu plus libre, et on découvre ce qu’est une auberge de jeunesse… C’était VRAIMENT bien.

Mais après ces deux voyages, une lueur retenait toujours mon attention, loin à l’est. Une ville qui a su faire parler d’elle pendant des années, jusqu’à mes 23 ans, sans que jamais je ne trouve l’occasion de m’y rendre :




Berlin.




Berlin, de mon point de vue, c’est ce genre de ville où tout peut arriver. Jean Reno, un gars que j’aime bien, a dit un jour « Il y a trois villes pour moi : Rome, Vienne et Paris, où, quand t’arrives, PAN, tu te prends la ville dans la gueule.». Et bien pour moi, c’est Berlin, Amsterdam et Stockholm. Bon, j’avoue, jusqu’à la semaine dernière je n’en avais fait encore aucune.

Aujourd’hui, j’atteste que quand t’arrive à Berlin, eh bah, PAN, tu te prends la ville dans la gueule.

Mais reprenons au début. Fin août dernier, alors que je décidais de dire fuck everythings, I'm out et de partir en Amérique du Sud, mon amie Mathilde, partie au Chili depuis six mois m’a contacté. En bref :

- Eh salut, comment tu vas ?
- Bien et toi ?
- Bienbienbien, je suis à Berlin pendant quelques mois, passe quand tu veux !
- Ok j’arrive.

Voilà comment, le 30 septembre dernier, j’atterrissais à 9h05 dans la capitale allemande. Une bien belle décision.

A peine arrivé que je rencontre Jeanne la belge, l’ancienne colocataire de Mathilde, au Chili, une chouette personne ! J’ai à peine le temps de poser mon sac qu’on est parti pour le centre de Berlin, en Mobike.

Sur l’île au musée, la seule île de la ville, on a retrouvé Aurélie la suisse, autre copine d'Amérique du sud, un personne également très sympa !

C'est également ici que nous avons rencontré Rosalee, une guide de la free-lance Free-Tour (Rien à voir avec le Chili elle). Les Free-tour, c’est un truc que j’ai découvert grâce à Mathilde : c’est des passionnés qui propose des tours de ville complètements gratuit et qui parle de différents sujets sur la ville. Il ne se rémunère qu'aux dons, en fin de tour. Ici on avait le choix entre le tour normal (Donc histoire des gros bâtiments connus) ou le tour alternatif… On a pris l’alternatif, sans que je n'aie la moindre idée du contenu.

Mais vous avez vu le nom de l’article. Alors vous, vous savez.

Bande de petits malins ;)

Rosalee, donc, l’anglaise aux cheveux éclatants, nous a accompagné pendant trois heures au travers des quartiers les plus marqués par le street-art.




Et c’était trop bien.




Tout d’abord, nous nous sommes arrêtés devant un mur un peu dégueu, en dessous d’une voie de train. Rien de bien fameux. Là elle nous a expliqué que l’explosion du street art a eu lieu juste après la chute du mur : suite à la fuite de dizaines (centaines ?) de familles de l’est vers l’ouest, de nombreuses habitations se sont retrouvées complètement à l’abandon, laissant le champ complètement libre à une foule d’artistes censurés depuis des années. Forcément, la peinture a jailli.

Ce premier spot, je l’ai pas trouvé fou. Il était pas très beau, il représentait des gens qui dansent et qui se laissent aller, symbole de… ouais bon… Ok mais je m’en fous un peu en fait. L’histoire d’avant est intéressante. Mais ça, bof.

Le deuxième spot, en revanche…

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Wow. Ça, pour le coup, c’est vraiment beau. Mais en fait c’est même bien plus que ça. Cette fille, avec ses cheveux roses et son regard si intense, elle dégage un truc, comme si elle nous gardait prisonniers de son regard.




Prisonniers hein ?




Élargissons un peu le cadre.

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Bien évidemment, ce n’est pas par hasard qu’elle a été placée ici. L’artiste aurai pu la poser deux mètres à gauche ou à droite, ça aurait été tellement plus simple ! Mais non, il a décidé de la placer dans cette cage. Ça engendre bien sûr tout un tas de symboles, c’est vraiment fort…




« Mais en fait, c’est elle qui est prisonnière, ou bien c’est nous ? »




GOSH.




Cette question à ma droite qui fait resortir encore plus de questions.

Prisonniers, d'une cage ou d'un regard. Ça concorde finalement. Bien entendu, il n’y a pas d’explication absolu, seulement ce qu’on ressent face à ça.

Ce qui m’a vraiment captivé dans ce dessin, c’est justement le fait que je sois captivé. Sans être complètement insensible à l’art, c’est assez rare que je ressente réellement quelque chose devant une œuvre. Quelque chose de profond/fort je veux dire. Le plus souvent, et encore devant le street art, ma réaction sera au mieux « Ah ouais c’est cool. », et je continue mon chemin.

Nous l’avons finalement laissé là, nous regardant s’éloigner dans sa cellule, ou peut être nous enfoncer dans la notre sous son regard de maton.




Avant le prochain spot, je vais faire un petit aparté. Le matin même, je quittais ma maison vers 4h30 avec ma mère pour me rendre à l’aéroport. Sur la route, elle m’a montré les graffitis qui couvrent tous les murs, notamment du périphérique elle m’a demandé :

- Mais ça, tu peux pas me dire que c’est beau, ou que c’est utile. C’est juste moche c’est trucs là !

Elle faisait référence à une conversation que nous avions eu deux jours plus tôt, dans laquelle je défendais mollement le street art. Le problème quand je suis lancé dans ce genre de débat, c’est que je manque cruellement d’argument. Tout ce que trouve à dire c’est « Euuuh, oui, nan mais ça dépend…». Je n’arrive pas à défendre mon point. Probablement aussi car je ne suis pas sûr d’être fixé en fait.

Alors, comme vous vous y attendez, j’ai mollement répondu :

- Oui, nan mais pas là, mais parfois c’est cooool…

Brueah… Pas très convaincant…

J’étais LOIN de m’imaginer que j’allais trouver des réponses quelques heures plus tard. Pas toutes les réponses, mais quelques-unes au moins.




Nous sommes rendus dans une petite ruelle qui, s’y j’en crois les différents sites de map, n’a pas vraiment de nom. Nous allons l’appeler Blindenwerkstatt Otto Weidt, du nom de l’entreprise qui se trouvait là pendant la guerre. Mais pas de précipitation, je vais en parler un peu plus loin ! 😉

Avant même de rentrer dans la ruelle à proprement parler, nous nous sommes arrêtées sous une arche sur laquelle Rosalee nous a montré quelques œuvres, dont celle-ci :

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« Je ne veux pas être ton ami sur Facebook »

Bon, j’avoue que ce genre de Street art, pour le coup, je m’en fous un peu. La tipo est sympa, il y a peut-être des significations hyper profondes à en tirer, mais perso, tout ce que j’ai à répondre c’est « *T’as qu’a quitter Facebook, c’est un démon qui nous bouffera tous *». Voilà.

Alors que nous parlons de tout ça, je jette un regard autour de moi : il y a des œuvres absolument partout. Et c’est là que j’ai commencé à comprendre le Street art. Ou du moins que j’ai développé ma propre vision de la chose.

Je tourne la tête à droite et mes yeux se posent sur un crâne.

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Hmm sympa. Par la suite je l’ai vu à plusieurs endroits de la ville, c’est peut-être une signature ou quelque chose du genre. En tout cas, le dessin du crâne qui a l’air dépressif, j’aime beaucoup.

Encore un coup de tête dans une autre direction, et je tombe sur deux petits éléphants trop mignons juste au-dessus de ma tête.

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Et c’est là que j’ai compris.




Je voyais, je ne regardais pas.




Ça parait con dit comme ça, mais en fait ça change absolument tout. Dans une ville telle que Berlin, couverte de Street art, se rendre compte qu’il faut regarder pour avoir la possibilité de voir, ça change tout.

Si vous baladez votre regard de touriste sur cette ruelle, vous allez probablement voir un immense singe avec un smartphone (je reviens dessus juste après) ou encore, un gars en costard peint avec des couleurs fabuleuses, et ça sera bien.

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Mais si vous regardez, la ruelle, vous vous apercevrez qu’en haut de ce muret, on trouve un visage bleu tout à fait étonnant. Et si vous avez une merveilleuse guide avec vous en plus, vous apprendrez que c’est un artiste français qui s’amuse à mouler son propre visage en faisant les pires grimaces. Je ne sais pas si c’est beau, mais ça a le mérite d’être original et rigolo. Je trouve.

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Peut être aussi que vous remarquerez cette femme avec son chat, en ombre chinoise, minuscule aux côtés du costard. (Et je ne vous parle pas du chat en costard/nœud pap' juste à coté)

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Bien entendu, je ne dis pas que les œuvres plus difficiles à remarquer sont les meilleurs et les seules valables. Simplement, quand on commence à les remarquer, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à nous. C’est grâce à ça que j’ai pu comprendre ma vision du Street art : si vous me permettez l’expression, c’est quelques magnifiques œuvres sur un océan de merde.

Pour revenir sur les choses sur lesquels j’ai dis que j’allais revenir, j’y reviens. Absolument.

Le singe.

Avec son smartphone.

Et son appareil photo.

Et son regard vicelard.

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Bon bah déjà, il est magnifique, il est immense, il est stylé. Mais il est surtout bien plus que ça. Le singe c’est nous. Le singe c’est le touriste qui passe dans une ruelle couverte d’œuvres de dizaines d’artistes différents, qui prend quelques photos pour son compte Facebook, Twitter, Instagram, ou pour son blog à la con, et qui la quitte au bout de cinq minutes sans se poser de questions sur l’histoire de cette allée.

Et pourtant, il pourrait s’en poser des questions. Beaucoup de gens le savent, Berlin est une ville particulièrement touchée par le Street art, et on sait pourquoi (voir plus haut). Mais cette allée, elle est particulièrement couverte de peinture et d'affiches. Plus que les autres. Alors on peut se demander pourquoi.

Je vais vous la faire courte parce que je ne suis pas prof d’histoire : pendant la seconde guerre mondiale, cette ruelle abritait l’entreprise de M. Otto Weidt. Là, il fabriquait, avec ses employés, des brosses et des balais, notamment pour l’armée. Et là, il a caché des juifs pendant toute la durée de la guerre.

Otto Weidt a risqué sa vie en plein centre de Berlin pendant toute la durée de la guerre, il a reçu le titre « Juste parmi les nations », titre décerné au nom de l’Etat d’Israël pour remercier les personnes qui ont risqué leurs vies pour défendre des juifs.

Je trouve ça très important et très fort que cette rue soit devenue un lieu de libre expression pour le street art. C’est un art qui est étroitement lié à l’histoire de la ville, tout comme l’est cette ruelle. Et je pense qu’il est important d’avoir conscience de l’importance des lieux que l’on traverse. Dans le cas contraire, on se retrouve avec des gens qui font des photos de profils au milieu des camps d’Auschwitz ou, debout, sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe. Mais je reviendrai sur ce point dans un prochain post.

Bref, tout ça pour dire : Essayons de ne pas être ce singe.

Maiiiiismaismais revenons à des sujets plus sympathiques, comme ce gars, là.

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Bon ok, je zoom un peu.

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Alors, je vais peut-être en décevoir certains, mais je n’ai pas d’histoire de ouf à raconter sur lui, ni de symbolique forte… Peut être parce que j’ai oublié… 😐

Bon, ok j’ai une petite histoire quand même 😉 Comme vous pouvez le voir, la partie « dessin » (c’est minable comme expression, mais je trouve pas mieux), est en fait l’absence de peinture sur le mur. Le gars qui a dessiné ça a en fait peint le mur complètement en blanc, puis il a déposé tout plein de petits explosifs là où il fallait.

Boomboomboomboom.

Et hop, un dessin surgit du blanc. C’est fou non ? Ce gars, c’est un portugais du nom de Vhils.

Bravo Vhils, t’es un mec stylé.

On s’approche doucement de la fin du tour alors que nous entrons dans Kreuzberg, quartier au sud-ouest du centre, pour tomber sur cette maison :

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Littéralement, une cabane dans les arbres, au milieu de la rue. A un niveau un peu supérieur de ce que je fais quand j’étais gamin. MAIS UNE CABANE. (Vous noterez le mur construit autour de l’arbre).

Elle a été construite par un immigré Turc qui a vu cet espace inoccupé en face de chez lui et qui s’est dit :

« Hmmm… Why not ? »

Sauf que la vie n’est pas faite de Why not. On ne construit pas des cabanes là où on veut. Alors la ville de Berlin lui a dit :

« Nonono, casse toi mec.».

Et lui a répondu :
« Nonono, je suis bien ici.»

La ville a dit :
« Mec, j’avoue c’est rigolo tes bouts de bois, mais sans déconner, casse toi »

Et lui a répondu :
« C’EST MORT.»

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« Je ne bougerai pas d’ici, ET CETTE TABLE NON PLUS. ».

J’adore cette histoire, comme quoi, il y en a qui ont un sacré caractère. J’adore cette table aussi. Et puis l’oiseau aussi.

En fait j’adore cet endroit.

Finalement, l’église au bout de la rue à fait des trucs pour lui permettre de garder la cabane, une bonne histoire qui finit bien. Si vous voulez en savoir plus, tapez simplement « Tree house Berlin » sur Duckduckgo ou Ecosia (PAS GOOGLE).

En allant au spot suivant, à quelques dizaines de mètres de cette cabane, je regardais autour de moi, et mes yeux se sont posés sur elle.

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Pas d’histoire à raconter, pas de pause, juste un moment sympa.

L’œuvre suivante, je n’ai pas grand-chose à dire dessus. Il s’agit d’un gros gars, fais de petit gars roses, qui essaye de manger un petit gars blanc. Avec des yeux blancs.

J’explique bien hein ?

Bon ok, je vous montre 😊

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J’ai pas grand-chose à dire, parce que j’ai pas trop aimé en fait. C’est impressionnant, certes : la peinture doit faire dans les 6/7 mètres de haut. Mais bon, bof quoi.

Le seul truc qui m’a marqué c’est l’histoire sur l’artiste, Blu. Si j’ai bien compris (fin de trois heures de visite en anglais + fatigue de base = ma compréhension commençait à battre de l’aile), c’est un gars qui n’aime pas trop qu’on fasse de l’argent avec l’art. Perso, je suis pas trop d’accord, mais c’est un point de vue qui se défend. Mais surtout, il n’aime pas qu’on fasse de l’argent avec SON art. Ça, ok, je comprends complètement. Alors quand certaines personnes ont essayé, le gars est revenu et à complétement effacé son œuvre.

Imaginez, le mec réalise des peintures aussi énormes et complexes que celle-ci, il efface tout. Quand je parlais de force de caractère…

Nous arrivons finalement à notre dernier spot, endroit très connu de Berlin que l’on appellera « J’aioubliélenom ». Magnifique. Il s’agit des derniers vestiges du mur (des centaines de mètres de vestiges quand même) qui sont devenu autant de support pour de magnifiques peintures murales. Je vous laisse ici ma préférée, si vous en voulez plus, prenez un billet et venez voir par vous-même 😉

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Ici ce termine l’Alternative Free Tour de Berlin. Un grand merci à Rosalee qui nous a accompagné et qui a partagé ses connaissances !

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Ci-dessous, la liste de tous les artistes que nous avons abordé pendant le Free Tour.
Sobr
Kripo and Roy
CBS
Obey
El Bocho
Haus Schwarzenberg
SP38
Gregors
Bastardilla
Jimmy C
Various and Gould
Vhils
Yaay
+-0
1UP
Mimi the Clown
Osman Kalın
Kunsthaus Bethanien
Waldemarstrasser
Blu
Thierry Noir

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