D'Abidjan à Carcassonne : La Guinée

in #fr6 years ago


Partis d’Abidjan pour rejoindre la France par la route, après trois jours bloqués à la frontière par des douaniers tatillons, nous entrions enfin en Guinée.

Il y a trois Guinées en Afrique. La Guinée Conakry du nom de sa capitale dont il est question aujourd’hui, la Guinée Bissau magnifique pays producteur de délicieuses noix de cajou et la Guinée Equatoriale, de la langue Espagnole déjà éloignée de l’Afrique de l’ouest.

La Guinée Conakry est un très beau pays notamment avec la région du Fouta Djalon, au paysage atypique de cette partie de l’Afrique. C’était aussi un pays compliqué dans ce début des années 90. Deux voyages précédents vers la capitale et la côte nous avaient posé pas mal de difficultés, disons administratives.

* * * * *

C’était début juillet et la saison des pluies dictée sa loi, détrempant des pistes déjà difficiles. Les 40 premiers kilomètres en terre Guinéenne nous ont pris presque quatre heures. Nous progressions au pas, entre de grandes mares d’eau boueuse, cachant parfois des troncs d’arbres écroulés nécessitant le treuil. L’endroit était très isolé, il ne fallait pas perdre son sang froid et vouloir franchir trop rapidement au risque de casser et devoir abandonner le véhicule et le voyage ici.

Finalement l’effort et la concentration ont payées, la piste est devenue meilleure, roulante même. La boue avait envahi la voiture, s’agrippant à nos pieds lors des reconnaissances terrestres. A chaque instant ses priorités. Une sentiment réconfortant, la satisfaction voire la fierté de la difficulté surmontée naissait en nous. Ça n’allait pas durer.

Il fallait aller jusqu’à N’Zérékoré pour trouver un hôtel mais le temps perdu à la douane et sur la piste avait permis à la nuit de nous prendre de vitesse. C’était l’heure des coupeurs de route, redoutés à cette époque, ils barraient le chemin avec un gros tronc d’arbre pour vous dépouiller. Difficile de dire quelle était la part de réalité et de fiction mais on les craignait et on essayait d’éviter de rouler de nuit.

Au royaume du HCR

Ce n’est pas des coupeurs de route que nous avons rencontré mais des centaines, plutôt des milliers de réfugiés Libériens fuyant les affrontements de la redoutable guerre civile qui sévissait dans le si proche pays. Sur ces pistes étroites il fallait être très attentif pour ne toucher personne, rouler au pas. Personne n’était agressifs, ils ne s’occupaient même pas de nous. Résignés, ils marchaient vers un but qu’eux seuls connaissaient peut-être.

Le but, comme nous l’avons découvert ensuite, c’étaient les camps du HCR, le Haut comité aux réfugiés, l’organisme des Nations Unies qui gère ces situations. Je vous épargnerais le chapitre sur la guerre au Libéria et en Sierra Leone voisine, les chefs de guerre, les enfants soldats, les mains coupées, les massacres généralisés pendant que les caméras du monde entier étaient braquées sur la guerre du Golfe. De beaux, si on peut s’exprimer ainsi, livres et films ont été consacrés au sujet depuis, des témoignages poignants.

Tout à coup de timides lueurs sont apparues, des lampes à pétrole fournissaient le seul éclairage de N’Zérékoré aux habitants qui faisaient probablement figure de riches auprès des marcheurs. Tout est relatif dans les niveaux de misère. Sur un parking les 4*4 du HCR et de la croix rouge avec leurs antennes caractéristiques des ONG. Nous avons stoppé dans le 1er hôtel qui avait un jardin ou notre voiture aurait une chance d’être en semi sécurité. Parler d’hôtel est exagéré, vieux matelas de mousses imprégnés d’humidité à côté desquels nous avons posé nos couvertures de survie pour tenter de prendre un peu de repos. A même le sol, cherchant le sommeil, je réalisais que nous étions parmi les plus favorisés de la zone.

Ces concentrations de population sont impressionnantes. Des Africains en groupe tristes et silencieux c’est rare. Ces gens qui n’ont plus rien à perdre auraient du nous dépouiller, ne serait ce que pour nos provisions. Ils n’en ont rien fait, personne ne s’est approché de notre voiture et nous n’avons ressenti aucune insécurité. Nous avons abandonné N’Zérékoré à son triste sort au matin pour nous éloigner de cette zone frontalière.

Le Fouta Djalon

Les routes sont devenues très acceptables, voire bonnes. Beaucoup étaient construites par des entreprises Chinoises qui commençaient a préparer leur présence en Afrique dans des pays ayant eut leur période communiste. Nous sommes arrivés sans encombre notable dans le massif montagneux du Fouta Djalon.

La région est connue comme le château d’eau de l’Afrique de l’ouest pour sa pluviosité importante. Des fleuves importants y prennent leur source avant de se lancer dans leur course vers la mer par des chemins aléatoires. L’érosion de la roche y a creusé des gorges magnifiques et sauvages. Nous accédions à pieds, un peu au hasard, à des bassins d’eau où il faisait bon se rafraichir sous des cascades étonnantes.

Nous avons passé là quelques jours, à randonner au hasard des découvertes. La population, composée principalement de Peuls, est très agréable, discrète et accueillante. On trouve des fruits tropicaux et des légumes en quantité, la plupart du temps ils nous étaient offerts comme cadeau de bienvenue. Il faut dire qu’à cette époque le Fouta Djalon était très loin des circuits touristiques, il y avait probablement très peu de visiteurs, la population était heureuse de nous voir.

Les étroites pistes de latérites rouge, cachées par la forêt semblaient s’ouvrir à notre passage. Les branchages grinçaient parfois sur la carrosserie, nous roulions lentement mais le temps passait vite dans l’admiration des paysages et le plaisir des nombreuses pauses.

* * * * *

La sortie de la Guinée fût aussi aventureuse que l’entrée. Une quarantaine de kilomètres d’une piste catastrophique traversant une forêt d’arbres bas. Il fallait sonder chaque flaque avant de s’y engager. Certaines cachaient des trous de 3 à 4 mètres de fond pouvant engloutir notre 4*4. Lorsque le trou était trop profond et occupait toute la largueur de la piste, il fallait se frayer un chemin dans la forêt à coups de machettes. Travail compliqué par la présence de bandes de singes, des cynocéphales pour ne pas les citer, particulièrement agressifs.

Devant nous, le Sénégal


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Aura t'on droit à un futur recueil compilant toutes vos expéditions , un de ces jours ? Upvoté à 100% !

ahahah. En tout cas je me rend compte qu'écrire n'est pas si facile, de s'essayer un peu permet d'apprécier encore mieux le talent des écrivains. C'est une très bonne expérience.

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