La fin du cash au Japon ?

in #bitcoin5 years ago

La plus grande expérience mondiale d’utilisation de réseaux blockchain comme moyen de paiement est sur le point de commencer.

Les Japonais ont une très grande habitude : effectuer de nombreux paiement en cash.
La plupart des règlements au sein de la 3ème plus grande économie implique des billets et des pièces de métal.
Voilà ce qui différencie le Japon de la Chine et de la Corée du Sud, où les moyens de paiement électroniques dominent.
De cela découle un grand nombre de distributeurs (on en dénombre plus de 200 000), de guichets et de flottes de véhicules pour déplacer tout cet argent. Nous estimons la charge totale de ces coûts à environ 18 milliards de dollars par an.
L’année prochaine, des centaines de milliers de touristes étrangers (dont la plupart seront issus de pays où la carte de crédit et les paiements digitaux sont naturels) vont débarquer à Tokyo pour assister aux Jeux Olympiques. Les prévisions indiquent des dépenses provenant de ces visiteurs à hauteur de plusieurs milliards de dollars pendant cet évènement, mais le système financier japonais n’est pas équipé pour assurer toutes ces transactions…
Le premier ministre Shinzo Abe a affirmé sa volonté pour que 40% des paiements soient digitalisés d’ici 2025. En Août, le gouvernement a annoncé un plan accordant une réduction de taxes et d’autres avantages pour les entreprises qui suivront ce mouvement. Bien que les transactions par QR Code ou celles effectuées via Carte de Crédit soient éligibles, certains des plus grands acteurs financiers du pays pensent que le moyen de passer de l’argent liquide à l’argent numérique est la technologie sous-jacente à Bitcoin, à savoir : la technologie Blockchain.
(Si vous voulez mieux comprendre le fonctionnement, le potentiel et les limites de cette technologie, je vous redirige vers mon article : Comprendre la Blockchain avec des cartes Pokemon.)

Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG), la plus grande banque du pays, et la cinquième plus grande banque du monde si nous les classons par volume d’actifs gérés, a signé un partenariat avec la société d’Internet Américaine Akamai pour développer un réseau de paiement basé sur la technologie Blockchain avant le début des Jeux Olympiques. S’ils y arrivent, cela peut devenir le moyen de paiement le plus rapide et le plus puissant au monde. Ils affirment en effet que lors des tests, le réseau a été capable de supporter plus d’un million de transactions par seconde, que chaque transaction a été confirmée en deux secondes ou moins, et que l’objectif est d’atteindre un volume de 10 millions de transactions par seconde. A titre de comparaison, les cartes de crédit VISA et son réseau sont capables de supporter plusieurs milliers de transactions par seconde. Quand à Bitcoin, au maximum de sa capacité c’est environ 7 transactions validées/seconde et chaque transaction prend en moyenne une heure à être validée. Le système serait conçu pour traiter tous les types de paiements : du péage autoroutier aux achats intégrés aux applications mobiles.

MUFG, qui a également testé sa propre crypto-monnaie est loin d’être la seule société qui s’intéresse à la technologie Blockchain :

  • Mizuho Financial Group, expérimente depuis plusieurs années cette technologie dans le cadre d’un projet baptisé « J-Coin » et envisage de lancer sa propre crypto-monnaie pour les paiements de détail en Mars 2019.
  • SBI Holdings, une grande société de services financiers, affirme également créer son propre token, aussi pour les paiements de détail, appelé « S Coin ».

Le pari que sont entrain de tenter toutes ces entreprises est celui d’une société japonaise qui utilisera principalement de l’argent électronique. C’est plutôt bien pensé quand on sait que les régulateurs financiers Japonais sont familiarisés, plus que quiconque dans le monde, avec la technologie Blockchain.
L’envie du gouvernement de réduire le volume d’argent liquide en circulation couplée à la faible compétition proposée par les cartes de crédits et les autres formes de paiements électroniques, pourraient rediriger le Japon directement vers la Blockchain.

Si l’expérience marche, l’entière économie du pays sera renouvelée. Toutes les transactions, des plus grosses effectuées de banques à banques, en passant par les transactions de détails, peuvent être prises en charge sans retard et à un coût dérisoire comparativement à celui actuel. A l’heure d’aujourd’hui, à titre de comparaison, même les cartes de crédit seraient plus lentes et plus coûteuses.

Ainsi, le Japon deviendrait le premier pays à mettre en place un registre cryptographique distribué et un réseau d’ordinateurs partagé pour créer de l’argent liquide électronique. Ce pays pourrait donc de nouveau jouir du statut de leader financier et technologique, un statut qu’il veut retrouver depuis maintenant plus de 10 ans.
L’histoire commence cependant par une catastrophe…

L’affaire Mt. Gox

Il y a bien longtemps maintenant, en se basant sur une échelle temps "crypto-monnique", entre 2010 et 2014, qu’une entreprise basée à Tokyo sous le nom de Mt. Gox était la plateforme N°1 mondiale pour acheter et vendre du Bitcoin. En 2013, ce site représente à lui seul 70% de toutes les transactions BTC. Arrive donc un jour où des hackers pillent la plateforme pour un montant total équivalent à 450 million de dollars en BTC, ce qui entraînera la fermeture du site et une vague de choc mondiale.
Comme le rappelle Aya Miyaguchi (ex-employée de Kraken, plateforme concurrente de Mt. Gox), ce désastre fût particulièrement terrible et traumatisant pour le Japon : « La plupart des gens ne savaient pas ce qu’était Bitcoin », dit-elle. Quand la nouvelle de la banqueroute causée par le hack se répandit, « nombreux sont ceux qui ont cédé à la panique » et les médias Japonais ont littéralement incendié les crypto-monnaies.

Entant que native du Japon partie pour vivre le rêve américain il y a maintenant 10 ans et aujourd'hui à la tête de la fondation Ethereum, cela l’a également inquiété, elle se rappelle que « tout l’écosystème était sujet à risque du fait du manque d’information et d’éducation ».
Elle a endossé le rôle de formatrice pour aider les régulateurs, investisseurs et autre personnes à propos des crypto-monnaies et des blockchains.

Tout juste un mois après l’effondrement de Mt. Gox, Aya rencontra Mineyuki Fukuda, un juriste très influant au Japon à qui fut confié la mission de réguler et d’encadrer légalement cette technologie, elle raconte : « il a vu que cette technologie amène un avantage compétitif de manière incontestable au Japon. » Avant d’ajouter : « Nous avons même parlé de comment utiliser les cryptos pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020. »

Fukuda agissait de manière concrète. En effet, dans la fin des année 1990 et au début des années 2000 l’industrie tech Japonaise, qui jadis faisait l’envie du monde entier, avait perdu une part considérable du marché mondial au profit de sociétés étrangères, notamment situées en Corée du Sud et en Chine. Le gouvernement était en attente de nouvelles industries où le pays pourrait se positionner et s’affirmer.

« Les autorités étaient très inquiètes du fait du passage du Japon de la première place à la seconde au profit de la Chine sur le marché fintech », explique Thomas Glucksmann, ex-employé de Mt. Gox.

Fukuda a décidé de ne pas totalement tourner le dos à l’industrie de la crypto-monnaie après la chute de Mt. Gox mais plutôt de l’intégrer. Au lieu de créer immédiatement des nouvelles règles concernant la technologie Blockchain, le gouvernement laissa cette industrie s’autoréguler. Plus particulièrement, le Japon fût le premier pays au monde à délivrer une licence pour les entreprises ayant des échanges en crypto-monnaies qui prit effet en Avril 2017.

Réguler sans freiner

Les autorités japonaises ont été plus rudes après que des hackers aient pillés un demi-milliard de dollars en Janvier 2018 à CoinCheck, une bourse d’échange ne possédant pas la licence...

L’Agence des Services Financiers (FSA) débuta des investigations pour régler au plus vite ces problèmes de sécurité.

Les régulateurs ont depuis rendu l’obtention de la licence et les nouvelles approbations plus dures. CoinCheck, dirigé maintenant par d’autres personnes, n’a finalement obtenu sa licence que dans le début d’année 2019.

Réguler les crypto-monnaies sans freiner l’innovation est le challenge de nombreux gouvernements mais le Japon semble avoir trouver son équilibre. Après l’incident de Coincheck, le FSA « a étudié de très près les crypto-monnaies et la cyber-sécurité » et est mieux informé que la plupart des consultants de l’industrie d’après les dires d’Oki Matsumoto, actionnaire de Monex (l’entreprise qui a racheté CoinCheck). Comme pour le fiasco Mt. Gox, le gouvernement a transformé ce hack en leçon utile.

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Illustration: Franziska Barczyk

Inventer le Crypto-Cash

Il y a au moins une raison supplémentaire de penser que l’argent liquide numérique basé sur la technologie blockchain peut connaître un grand succès au Japon : les investisseurs de détail aiment déjà les cryptos.

Leur affection provient de leur affinité de trader les devises étrangères : les traders japonais représentent plus de la moitié de la marge totale mondiale effectuée par des trades sur le marché des changes.

Ces derniers temps, ils se sont étendus au négoce de crypto-devises, profitant de la scène boursière très active (et désormais réglementée) du Japon. Il est difficile de déterminer la taille exacte du marché japonais de la crypto-monnaie, mais il est devenu le plus grand marché d'Asie depuis que la Chine a calmé ses échanges depuis 2017. Les analystes de Deutsche Bank expliquent d'ailleurs que les investisseurs de détail japonais sont l'une des principales raisons pour lesquelles le prix de Bitcoin a grimpé à près de $20 000 en 2017.

Bien entendu, le trading de crypto-monnaie est populaire dans de nombreux pays mais n’est pas beaucoup utilisé entant que moyen de paiement de détail. Pourquoi le Japon devrait-il être différent ? Son secteur de la vente au détail est résolument low-tech: la plupart des magasins n’acceptent même pas les cartes de crédit ou de débit. Pour faire des achats en ligne, les gens impriment généralement un code-barres à la maison et l’apportent dans le magasin où ils paient en espèces.

En revanche, ils ne sont pas complètement opposés aux paiements électroniques. Les services de cartes prépayées comme Suica, vendus par les principales compagnies de chemin de fer du pays, sont populaires. Les épiceries et autres petits commerces acceptent les cartes Suica. Andy Champagne, directeur technique d'Akamai, est convaincu que le Japon va rapidement mettre fin à sa relation amoureuse avec l’argent liquide.

«C’est une société extrêmement technique et très intéressée par les transactions numériques », dit-il. Etant donné les efforts du gouvernement pour se débarrasser rapidement du cash, « c’est une opportunité unique à un moment unique».

Une question d'utilité, pas de technologie

Mais même si c’est le cas, pourquoi la blockchain? Les crypto-monnaies d’aujourd’hui ont tendance à être volatiles à moins d’être adossées à de la monnaie fiduciaire abritée sur un compte bancaire. Elles sont difficiles à utiliser et à mettre à l’abri des pirates, et les transactions qui se révèlent frauduleuses ne peuvent pas être annulées. Les services tiers tels que les échanges peuvent poser de gros problèmes de sécurité, comme l’ont montré les hacks de Mt. Gox et Coincheck. Enfin, les blockchains les plus populaires sont lents et nécessitent beaucoup de puissance de calcul pour sécuriser le grand registre de transactions, ce qui leur confère une énorme empreinte carbone.

La réponse :

Les systèmes mis en place par les banques japonaises pourraient changer cela. La blockchain de MUFG fonctionnera sur les serveurs d’Akamai. La société est capable de créer des algorithmes exclusifs pour fournir du contenu Web aux utilisateurs du monde entier, c’est son activité principale. Cette expertise se traduit aisément par la gestion d’un réseau plus économe en énergie, plus rapide et moins coûteux à exploiter que la blockchain publique, explique-t-il. MUFG pense que même des paiements modestes tels que ceux réalisés sur les réseaux de cartes de crédit traditionnels seront réalisables.

Les Japonais vont-ils vraiment délaisser leur cash pour la blockchain? Yoriko Beal, cofondateur de HashHub, un espace de travail collaboratif destiné aux startups blockchain de Tokyo, est sceptique. La popularité des cartes Suica montre que ce n’est pas hors de possibilité. Mais elle pense que c’est une question d’utilité, pas de technologie. Les cartes Suica sont très utiles, elles ont donc été adoptées, explique-t-elle: «Si MUFG et Akamai sont certains que l’utilisation de la blockchain peut réduire considérablement les coûts par rapport à l’utilisation de cartes de métro par exemple, cela pourrait arriver.

Traduction et Adaptation de l’article : Will People Ditch Cash for Cryptocurrency? Japan Is About to Find Out.
Article précédent de Sirob : LES ATOMIC SWAPS – C KOA CA ? LA SOLUTION DE L'INTEROPÉRABILITÉ ENTRE LES CRYPTOS ?
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