Où allons-nous ?

in #covid4 years ago

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Il est rare que j’écrive en mon nom, par rapport à mes propres émotions et ma propre vie ici, car je préfère partager mes lectures et mes points d’intérêt, comme photographie du moment présent et de l’état « intellectuel » et « moral » dans lequel je suis : ce qui dévoile déjà beaucoup à mon sens.

Je suis depuis le mois de mars complètement pétrifiée face à la situation, comme si la voiture du monde était hors contrôle : aquaplaning, les freins qui ne répondent plus, du verglas, tête-à-queue, que sais-je encore. Je ne parle pas encore de peur ou d’angoisse, Dieu merci, mais bel et bien d’un sentiment qu’il n’y a plus de pilote de ce monde.

J’ai le sentiment que les faiblesses du pouvoir et des institutions sont étalées sur les pavés des places publiques ; que les individus, qu’elles sont censées encadrer et protéger, n’ont finalement jamais été au centre de leur existence et de leur élaboration.

Déjà au lycée (il y a 15 ans), je m’étais fait la remarque qu’il n’y avait aucun intellectuel, aucun politique qui me faisait rêver ou vibrer. Personne ne semblait parler un langage qui me rassurerait quant à la direction qu’il fallait prendre pour agir et conduire ma vie dans le monde. En effet, je n’étais déjà pas encline à suivre un modèle de vie personnel, j’avais le secret espoir d’au moins d’avancer dans une vie d’idées et de principes pour améliorer ce monde et la vie avec autrui.

Je me suis toujours sentie dans une forme de pénombre et de grotte des idées. Mes idées du moins ne trouvaient pas la lumière que j’attendais, les réponses que j’espérais pouvoir me guider pour affiner mes pensées, et par dessus tout je ne savais pas comment agir.

Non seulement aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir patienté très longtemps avant d’agir en fonction de mes idées et mes principes, mais je suis effarée de constater que mon immobilisme, ou ma langueur, mon choix de suivre une forme de modèle, me rend responsable de l’état un peu hébété dans lequel je suis désormais.

Heureusement des gens dans ce monde pensent et écrivent des choses formidables, je les lis et les suis avec beaucoup d’espoir d’ailleurs. Mais ces lectures et ces idées, si elles ne me donnent pas le sentiment d’être dans la caverne, me semblent pourtant flotter dans l’air et ne pas se concrétiser, comme si je voyais les étoiles sans pouvoir les attraper.

Les propos sur le bonheur aujourd’hui ont-ils enfin pris le sens qu’ils méritaient lorsqu’ils étaient servis dans « l’ancien monde » (avant Covid) ?
Je parle de vivre sa vie comme une aventure, une histoire à raconter quant à l’élan qu’on prend pour aller à la rencontre de la nouveauté, et qu’on pourrait déjà scénariser dans une histoire fascinante à raconter dans 20 ans ou 30 ans ?
Je parle de vivre sa vie comme une compétition, une quête permanente à sortir de sa zone de confort, aller vers l’inconnu, la difficulté, et obtenir la saveur du succès, de la réussite dans une mission qu’on s’est donnée (apprendre une nouvelle langue, améliorer sa condition physique, peindre, écrire, monter une communauté, etc). Car aucun cadeau de Noël ne donne plus de satisfaction que lorsqu’on le reçoit et qu’on s’apprête à en retirer le papier : avoir ne rend pas heureux, travailler à obtenir oui.
Je parle enfin de vivre sa vie comme une exploration, d’aller chercher les 1% d’inconnu dans nos routines qui nous obligent. J’ai longtemps combattu le sentiment de vide, celui qui anesthésie toutes émotions, qui laisse un « blanc » inénarrable (non-instagrammable désormais), et à ma grande surprise, il est commun à chacun d’entre nous. Ce secret que personne ne se raconte en société qui s’appelle parfois mélancolie, peur de la solitude, effroi, inquiétude, mais aussi espoir, attente, rêve et qui nous est propre, tellement personnel. Ce 1% de plus qui nous manque éternellement au quotidien pour atteindre une forme de complétude et d’accomplissement : il doit nous réjouir, maintenir notre respiration, surtout ne pas être ressenti comme une apnée. Ce 1% exploratoire est celui, je crois, qui va nous permettre d’avancer dans le monde de demain, car je ne crois pas que nous reviendrons à celui d’hier.

Et aujourd’hui : avez-vous ce sursaut quand vous regardez un film ou une série et que les personnages s’embrassent, discutent de manière très proche, mangent dans une même assiette ? Avez-vous ce sursaut et ce mot : « merde, mon masque ! « , parce que vous partez avec spontanéité faire quelque chose de l’ancien monde sans désormais l’accessoire obligatoire du nouveau monde.

Je colère un peu d’avoir suivi le mouvement (non pas que je m’étais laissé le choix de faire autrement), d’avoir acheté du H&M, d’être allée au supermarché, d’avoir pris l’avion, d’avoir eu un iPhone : tout ce qui est censé nous définir par le Être, Avoir, Faire, n’a jamais été que des actes transactionnels suspendus à un consensus d’appartenance au groupe.

Alors aujourd’hui, aussi hébétée que je reste dans la voiture qui glisse sur la route que je pensais sécuritaire, je commence pour la première fois, je crois, à construire ce que je SUIS, définir ce que je veux AVOIR, et réfléchir à ce que je FAIS, quelque soit ce qu’on me dit qu’il faut faire.

Je suis lasse qu’on m’ait fait croire à tant de choses qui semblaient être la recette du bonheur (ou la formule magique pour avoir la paix sociale). Je ne ressens aucune paix, mais d’être au milieu d’une société qui a pris goût à être débridée sans savoir sous quel joug elle a toujours été.

J’espère trouver les éléments de ma liberté personnelle, celle qui n’entrave aucunement celle des autres (voire celle qui les inspire), mais qui n’est pas celle qui m’est due : je veux que ce soit celle que je mérite, même si elle coûte en efforts et en retenue d’assouvir de faux désirs.

J’avais besoin d’exprimer ces sentiments confus, à la fois très simples et très partagés je pense, qui ne cessent de se renforcer au jour le jour.

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