[Roman] Copie Conforme p.43

Deuxième partie

SESSION 6
Joseph 2/2
(2008)

Joseph fouillait encore dans les brouillons de Claude, laissant ses doigts se balader entre les feuillets. À sa grande surprise, il découvrit un objet plus dur. Il dégagea l’objet d’entre les feuilles et les dossiers. Il s’agissait d’un petit cahier à la couverture de cuir. Il l’ouvrit pour le feuilleter et se rendre compte qu’il s’agissait d’un banal journal intime. Il se sentit comme le petit Bernard dans Les faux-monnayeurs.

Premier novembre de l’an 6 − Je venais d’être engagé comme assistant de recherche au département d’Histoire. J’occupais le bureau de mon directeur Wassily Rajin. Et il y a quinze jours… − j’ai eu tort de ne pas le noter aussitôt. Elle vint frapper à ma porte si doucement, qu’une bonne minute s’écoula avant que je ne lève les yeux de mon livre.

Je me levai pour ouvrir ma porte. Personne. Je me penche pour l’apercevoir sur le sol, le visage démaquillé, le corps s’affaissant sur ma porte. Je ne la connaissais pas. Elle n’était pas de mes étudiantes. Elle avait la beauté de la Primavera sertie de magnifiques yeux opales. Elle me regardait prête a reprendre les sanglots, et je compris que je devais chasser l’air renfrogné que j’affichais. Je la fis entrer.

Je lui proposai de s’installer sur mon divan. Elle s’étala. Je lui offris de lui chercher un verre d’eau, mais finalement gênée de tant d’attention, elle refusa poliment. Au bout de quelques minutes, elle se décida à me dire la raison de sa présence. Elle m’expliqua qu’elle avait rencontré un individu qui l’avait visiblement troublé, et que cherchant à l’éviter, elle avait frappé à la première porte. Ce que je devinais n’être pas tout à fait vrai, à la façon qu’elle avait de chercher ses mots. Elle ne me devait rien. J’observais du coin de l’œil « Un amour de Swann », et m’impatientais de plus en plus d’avoir été interrompu dans ma délicieuse lecture.

Soudain, elle sortit un joint d’un paquet de cigarettes. Je compris aussitôt que tout cela n’était pas le fruit du hasard. Mes lèvres esquissèrent un sourire à l’idée d’avoir moi aussi un Botticelli vivant dans mon lit. Je me levai pour refermer la porte.

C’était Clara. Elle avait compris assez vite comment me trouver. C’est toujours vers elle que tu reviens, m’avait-elle dit. C’est en écrivant ces lignes que je compris que je ne pouvais pas échapper à qui j’étais. J’appelais à cet « état », cette excitation, cette folie!

Le reste du texte était manquant, la page suivante avait été arrachée.